Le 16/06/2023
Massimo Bello, Fondateur de Wekiwi répond aux questions de Gersende de Sabran-Pontevès, co-fondatrice du comparateur Hopenergie.com dans le cadre d’une série d’interviews qui donne la parole aux fournisseurs d’énergie.
Massimo Bello est président d’Aiget, l’association des nouveaux entrants dans l’énergie en Italie et membre du conseil d’administration de European Energy Retailers. Son témoignage permet d’avoir un éclairage européen sur la crise du secteur de l’énergie.
La hausse actuelle des prix est avant tout une crise qui touche toute l’Europe et pas un seul pays. La hausse des prix dépend notamment de deux choses : la crise du marché du gaz et l’augmentation des coûts du CO2.
Pourquoi le gaz est-il monté ? Pour 3 facteurs qui se sont produits en même temps et qui vont tous dans le même sens et font monter les prix : 1) le printemps dernier a été froid et a réduit les stocks de gaz européens ; 2) la forte reprise économique en Asie qui absorbe la demande de gaz ; 3) l’indisponibilité du gazoduc européen North Stream 2 qui aurait dû permettre l’importation de volumes de gaz plus importants.
Dans un tel scénario, le gaz disponible est inférieur à ce qui est nécessaire et le prix augmente. En revanche, le CO2 a beaucoup augmenté car il a été choisi pour le gérer comme un marché financier. Le CO2 devra logiquement être de plus en plus cher pour privilégier les renouvelables et cela augmente le prix de l’énergie.
Tout le monde a été surpris par les prix aussi élevés de l’énergie et du gaz. Je pense que la Russie est également surprise par des prix aussi élevés et c’est un problème. La pénurie de gaz prouve que le gaz a une valeur énorme jusqu’à ce que nous soyons indépendants. Le fait que l’Europe ait mis en place une stratégie de sortie progressive du gaz ne peut certainement pas être un bon prémisse pour de futures négociations avec la Russie. On aurait peut-être dû se rendre compte que le gaz sera encore indispensable pendant plusieurs années.
Les prix sont aujourd’hui très élevés, aussi bien les prix fixes que les prix indexés sur le marché. Cela s’applique à tous les fournisseurs et la chose est d’autant plus complexe qu’on ne sait pas comment l’Arenh fonctionnera en 2022. Nous avons décidé de modifier l’offre en envoyant à un groupe de clients (à la fois à prix fixe et à prix indexé) une nouvelle offre mixte (50-50), moitié fixe et moitié indexée. À notre avis, c’est un moyen de se positionner au milieu et de pouvoir encore profiter partiellement de la baisse des prix si elle se produit. Compte tenu de ce moment très particulier, nous avons tout de même décidé de donner aux clients la possibilité de rester avec l’offre actuelle en nous envoyant un simple mail.
Cette question ne me semble pas spécifique au secteur de l’énergie. Avec une augmentation des prix comme celle actuelle de l’énergie, du gaz et de presque toutes les matières premières, de nombreux secteurs sont menacés. L’énergie est un peu particulière car il n’est pas possible de savoir exactement combien nos clients consomment.
Pour donner un exemple : si une entreprise vend des biens physiques, elle sait qu’en novembre elle doit livrer une certaine quantité de marchandises à ses clients. Si une entreprise vend de l’énergie ou du gaz, elle ne sait pas exactement combien ses clients consomment et combien de clients elle aura au cours de ce mois (car les clients peuvent se retirer à tout moment). Avec une augmentation d’énergie de ce type, l’excès d’énergie peut coûter très cher, jusqu’à 500% de plus que d’habitude.
Les risques existent donc et seront plus importants si l’hiver est rigoureux. Ce ne sont certainement pas les fournisseurs d’énergie qui profitent de cette crise car la marge des fournisseurs d’énergie n’est que de quelques points de pourcentage. L’important pour les fournisseurs d’énergie est de maintenir une stratégie d’extrême prudence dans cette crise en gérant au mieux leurs contrats. Dans un contexte aussi volatil, faire évoluer les offres dans le respect des contrats et du code de la consommation est un choix de gestion prudent.
On s’attend à une amélioration de la situation après cet hiver. Cependant, je pense qu’une partie de cette crise est structurelle et réside dans le choix un peu hâtif de sortir du gaz et de faire du marché du CO2 un marché financier exposé à la spéculation. Ces problèmes ne sont pas résolus rapidement. Il est également important que les dialogues entre l’UE et la Russie aboutissent à une issue positive.
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